S’exprimant dans la matinée d’hier pour la première fois depuis sa sortie du gouvernement à l’occasion de l’ouverture de l’université d’été de son parti, le MPA, observée à Tichy sur la côte est béjaouie, Amara Benyounès a, d’emblée, tenu à apporter les clarifications sur les raisons de son «départ».
«Tout le monde attend de savoir pourquoi je suis parti du gouvernement . Je sais que cela intéresse beaucoup de monde qui attend que je m’exprime après ce long silence», dira de prime abord avec une note d’ironie avant de réitérer son «soutien total et indéfectible au président de la République». L’orateur a évité d’aborder d’autres sujets brûlants de l’actualité notamment la restructuration du DRS, le limogeage de Toufik, l’arrestation de Benhadid et la dernière rumeur faisant état d’une éventuelle arrestation de Rebrab. «Que la situation soit claire, on a soutenu le Président avant d’entrer au gouvernement, pendant notre présence au gouvernement et maintenant aussi. On l’a soutenu dans des moments difficiles où le soutien n’était pas facile. On est probablement les seuls, j’étais peut-être le seul homme politique algérien à prendre ses responsabilités en disant que je l’ai soutenu quand il était en bonne santé, je continuerai à le soutenir malade et jusqu’à la fin de son mandat quelle que soit la situation», fait savoir l’ex-ministre du Commerce. Beaucoup ont spéculé sur un soi-disant malentendu avec Saïd Bouteflika. «Certaines mauvaises langues ont même inventé une bagarre à l’arme à feu entre nous. Je le dis clairement ici aujourd’hui. Il ne s’est jamais ingéré dans les affaires du ministère du Commerce. Je n’ai jamais eu de problème avec le frère du Président, Si Saïd Bouteflika», a-t-il tenu à souligner.
Devant ses militants, le leader du MPA a mis en exergue toutes ses réalisations notamment durant la dernière année au ministère du Commerce. Pour l’orateur, son bilan est satisfaisant à la tête de ce département où il s’est attelé à mener «convenablement» les deux missions importantes que le président de la République lui avait confiées lors du premier Conseil des ministres au lendemain de son installation. Deux missions consistant à assainir le commerce intérieur et extérieur et l’adhésion de l’Algérie à l’OMC. «Il faut se dire les vérités, le dossier de l’adhésion à l’OMC était déjà quasiment finalisé et il ne restait que certains points qui ne sont pas importants sur lesquels le gouvernement algérien devait se prononcer. 161 pays sont membres de l’Organisation, 97 % du commerce international se fait à l’intérieur et 80% de la population mondiale dépend de ladite organisation alors que chez nous, on s’interroge encore sur l’intérêt d’adhérer ou pas à cette Organisation mondiale du commerce», explique Amara Benyounès. Et d’ajouter «il faut savoir que l’intérêt de l’Algérie est d’adhérer car tous les puissants de ce monde sont membres. En clair ce qu’il faut dire, c’est que ce n’est pas l’OMC qui a besoin de l’Algérie mais le contraire».
Dans la foulée, le premier responsable du MPA s’est enorgueilli d’avoir, pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie, engagé un tel débat. «Il y a même des Algériens qui n’ont jamais entendu parler et qui découvrent aujourd’hui l’OMC», lance l’orateur. Enumérant ses réalisations, Amara Benyounès a cité le cas des facilitations pour la délivrance du registre du commerce entre autres et la réduction de nombre de documents de 18 à deux documents dans la constitution du dossier, selon lui. Le dernier Ramadhan également a été cité qui, selon lui, s’est bien déroulé avec «la disponibilité de tous les produits à des prix raisonnables».
L’opération lancée pour la consommation du produit algérien
Une opération menée avec le patron de l’UGTA, Sidi-Saïd, que le responsable du MPA a tenu à féliciter au passage. Les licences d’importations et la conférence sur le commerce extérieur ayant regroupé des experts sur le commerce extérieur en vue de promouvoir les exportations algériennes. On est sorti avec des recommandations qui sont entre les mains du gouvernement, a indiqué Amara Benyounès qui affirme avoir réduit la facture des importants de 3 milliards de dollars. «On aurait pu encore économiser 6 à 7 milliards», a-t-il encore soutenu. Le président du MPA est longuement revenu sur la polémique concernant la vente d’alcool. «On m’a insulté, qualifié de kafer et de nombreuses autres étiquettes encore. Je le dis ici encore à Béjaïa, je ne suis ni imam, ni moufti, mais un ministre de la République chargé de faire appliquer les lois de la République. On n’est pas dans la gestion du haram ou du hallal. Cela relève du domaine privé. Je vais vous donner pour la première fois les statistiques de la consommation d’alcool qui s’élève en Algérie à 200 millions de litres d’alcool par an avec un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars», a révélé l’ancien ministre du Commerce.
Et de poursuivre «68 entreprises, 1 675 unités de production et 35 000 travailleurs, on est le premier producteur d’alcool du Maghreb sans parler de près de 70% de vente d’alcool dans l’informel. Tout le monde connaît les ravages de ce fléau causés par les bars clandestins que tout un chacun connaît dans sa wilaya». «Ma mission était alors de réguler le marché. Il ne faut pas cacher le soleil avec un tamis. Même l’IGF a demandé la régulation de ce marché. Le patron de la gendarmerie, après une enquête de plusieurs mois, a demandé aussi l’intervention de l’Etat algérien pour mettre un terme à cette situation. Maintenant s’agissant de cette polémique qu’on dit importante, elle n’a concerné que trois wilayas», dira l’orateur avant de faire une autre révélation selon lui sur cette opération. «Cette opération de régulation du marché de la commercialisation de l’alcool, je ne me suis pas réveillé un matin et décidé de prendre cette décision. Je ne l’ai pas faite seul, cette mission a été décidée par le Président. Maintenant, ceux qui sont contre la vente de l’alcool n’ont qu’à manifester devant l’APN pour demander son interdiction», fait-il observer dans la foulée.Le volet des crédits à la consommation et la licence d’importation décidée pour protéger l’économie algérienne. Pour l’importation des véhicules, une facture de plus de 7 milliards de dollars l’année passée a été déboursée. 437 000 voitures importées selon les statistiques donnaient plus de 50 000 voitures invendues alors que les douanes parlent de 130 000 voitures. «L’Algérie est devenue un immense hangar de stockage. Et, quand une personne achète un véhicule de 2015, elle peut se retrouver avec un véhicule construit réellement en 2012», dira Amara Benyounès avant de citer un autre exemple de dépenses qui auraient pu être économisées, selon lui. Il s’agit de l’importation du ciment dont les besoins du pays sont estimés entre 18 et 22 millions de tonnes pour une production nationale de 18 millions de tonnes. Mais les autorisations d’importations sont délivrées pour l’achat de 10 millions de tonnes, ce qui constitue une perte d’argent pour le pays, confie Amara qui estime que les licences ne devaient être délivrées que pour les besoins de 2 à 3 millions de tonnes. Une situation qui sera imputée à «des barons étrangers qui sont derrière ce marché», affirme l’orateur qui s’est refusé de citer les noms des pays pour éviter «de créer des incidents diplomatiques». «Pourquoi délivrer à un étranger une licence pour nous revendre une marchandise qu’il n’a pas produit ? N’importe quel Algérien pourrait faire autant dans ce genre d’affaires», fait encore observer Amara Benyounès, convaincu que le commerce extérieur doit être «le monopole des Algériens». «Un étranger, s’il veut investir, créer de l’emploi en Algérie, il est le bienvenu, si c’est pour servir d’intermédiaire, un Algérien peut aussi le faire. Ils ramassent de grosses sommes d’argent dont le peuple ne profite pas», regrette Amara Benyounès qui estime avoir réussi dans sa mission. «Ma mission était de veiller à l’intérêt suprême du pays. Des intérêts qui ne sont pas les mêmes que ceux des barons et des lobbies que tout le monde connaît dans les wilayas», lâche Amara Benyounès.
Revenant à son départ du gouvernement, l’ancien ministre du Commerce dira il y a des sensibilités et des divergences dans chaque staff gouvernemental. Des divergences et des buts qui ne sont pas pour tous les mêmes. Certains pour un but politique, d’autres pour une ambition mais pour le MPA je répète que je n’ai aucun problème avec le président de la République», martèle Amara Benyounès sans citer à aucun moment le Premier ministre Sellal. Y a-t-il un différend avec le Premier ministre qu’il n’a cité à aucun moment de son discours tout en insistant à chaque fois sur les bonnes relations avec le président de la République. La Charte pour la réconciliation nationale a été une réussite, selon Benyounès. «Plus de 7 000 repentis ont rendu les armes, vivent et travaillent au milieu de la population», indique-t-il. Amara tire à boulets rouges sur Madani Mezrag. «Ce personnage doit savoir une bonne fois pour toutes que le terrorisme est vaincu militairement. Ce personnage doit savoir qu’il n’est pas descendu du maquis victorieux mais il a demandé pardon au peuple. Il s’est rendu et il n’a jamais négocié. Il ne pourra jamais faire de la politique comme il est clairement mentionné dans le projet de la Charte pour la réconciliation nationale. Je l’ai vu moi-même à la télé avouer un assassinat d’un djoundi ; comment peut-il venir aujourd’hui se permettre de parler ainsi et de menacer même le président de la République», s’indigne Benyounès.
Sur un autre volet lié à l’activité politique de son parti, le patron du MPA a appelé ses militants à se redéployer sur le terrain à travers des meetings, des réunions publiques avec la population et la préparation des prochaines échéances électorales locales et législatives de 2017. L’opposition a été sévèrement critiquée par Benyounès. «L’opposition a échoué. Depuis 4 ans, l’opposition ne parle que du départ du Président qui doit abandonner son mandat au lieu de proposer une autre meilleure alternative comme cela se fait en démocratie. Seules les urnes peuvent porter au pouvoir», martèle le patron du MPA sans rappeler sa farouche opposition à la proposition d’une phase de transition.
Lors de cette université d’été à Tichy, la troisième rencontre annuelle politique du Parti après celle de Mostaganem et Alger plus d’axes de débats sont proposés. Pour cette rencontre ayant enregistré la participation de 600 militants, selon les organisateurs venus des 48 wilayas du pays et de l’étranger. Au programme des discussions, «le printemps arabe : bilan et perspectives, l’école : quel système éducatif pour l’Algérie et l’économie, quelles réformes dans l’état actuel.
Parlant de l’école algérienne, Amara Benyounès a plaidé pour un débat national pour mettre en place un système éducatif qui formera un citoyen moderne et non un militant politique quelle que soit son orientation idéologique, selon lui.
A. Kersani